Matilda Lloyd est l’une des trompettistes solistes les plus en vue de la scène classique actuelle. Elle répondait aux questions de Julian Marszalek à l’occasion de la journée internationale des femmes.
Pour ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion de découvrir son immense talent, Matilda Lloyd est l’une des trompettistes solistes les plus en vue de la scène classique actuelle. Animée par la volonté de faire évoluer le rôle et la perception de son instrument de prédilection, il n’est pas étonnant de la voir travailler et collaborer avec de nombreux musiciens, orchestres et compositeurs parmi les meilleurs au monde. Animée par la volonté de faire évoluer le rôle et la perception de son instrument de prédilection, il n’est pas étonnant de la voir travailler et collaborer avec de nombreux musiciens, orchestres et compositeurs parmi les meilleurs au monde. Diplômée de l’université de Cambridge et de la Royal Academy of Music, Matilda a remporté la finale de la BBC Young Musician dans la catégorie Cuivre en 2014 et a fait ses débuts en soliste deux ans plus tard, aux BBC Proms, avec l’Orchestre philharmonique de la BBC depuis le Royal Albert Hall. Avec un répertoire allant de Bach à Haydn, en passant par Tomasi et d’autres compositeurs, sa détermination à promouvoir son instrument l’a menée à interpréter de nouvelles œuvres telles que « Hark! The Echoing Air » de John Woolrich, et « Stages » d’Alissa Firsova.
Née dans une famille de musiciens à Sevenoaks, dans le Kent, en 1995, Matilda Lloyd avait cinq ans lorsque sa mère l’a initiée au piano, mais une découverte fortuite faite chez elle trois ans plus tard allait changer le cours de sa vie.
« J’ai ouvert une armoire et je suis tombée sur une vieille trompette qui appartenait à mon père », se souvient-elle le sourire aux lèvres. « Je cherchais un nouveau jouet pour m’amuser et j’ai été attirée par la nature imposante et brillante de la trompette ! Je n’arrivais pas à émettre un son avec cet instrument, et mes parents ont donc décidé qu’il valait mieux que je prenne quelques leçons. »
Ayant également appris le violoncelle, Matilda a remarqué qu’il n’y avait « jamais assez de trompettes » dans les formations classiques, et elle a donc décidé de rejoindre les orchestres de son école, de son comté, et enfin ceux de son pays. Rejoindre le National Youth Orchestra à l’âge de 16 ans allait véritablement constituer un déclic pour elle.
« Ces années ont vraiment été déterminantes pour moi. C’est là que j’ai réellement pu me projeter en tant que trompettiste de carrière », confie Matilda à propos de son entrée dans l’âge adulte.
Grâce à son talent prodigieux, Matilda Lloyd a pu intégrer l’université de Cambridge et obtenir un diplôme de premier cycle en musique avant d’être acceptée à la Royal Academy of Music. D’après elle, ces deux expériences éducatives, la théorie et l’histoire de la musique d’une part, l’application pratique d’autre part, se sont révélées extrêmement précieuses. « Ces théories et analyses approfondies m’ont aidée à m’affirmer en tant que musicienne, surtout maintenant en tant que soliste », explique-t-elle. « Je peux maintenant revenir sur ces différents genres musicaux et explorer le répertoire avec ma trompette, en proposant des approches nouvelles ou légèrement différentes. »
Elle poursuit : « Mon passage à l’Academy a confirmé ma volonté de devenir soliste et m’a donné beaucoup de temps pour étudier un grand nombre de répertoires différents. »
En tant que trompettiste classique, Matilda Lloyd était également parfaitement consciente du clivage implicite entre les hommes et les femmes dans les orchestres. Réalise-t-elle qu’elle a fait tomber une barrière tacite et invisible ? « La question du genre s’est imposée au fil des années, à des degrés divers. Quand j’étais plus jeune, j’étais souvent la seule femme dans la catégorie des cuivres, mais depuis, j’ai pu constater une évolution progressive. Quand j’étais à la Royal Academy of Music, la parité hommes-femmes était parfaite. C’était formidable ! »
Matilda ne tarit pas d’éloges sur les premières femmes trompettistes qui ont ouvert la voie qu’elle emprunte aujourd’hui. Elle se montre claire à ce sujet : « Les filles de ma génération ont eu de la chance, car il y avait déjà eu des musiciennes comme Alison Balsom et Tine Thing Helseth auparavant. Elles avaient déjà préparé le terrain et l’idée d’une femme trompettiste soliste n’était donc plus si saugrenue ou terrifiante. Cela restait inhabituel comparé au nombre de trompettistes solistes masculins, mais pas complètement inédit, ce qui a été une chance. »
Vous avez donc le sentiment de leur être redevable ?
« Absolument. En vérité, je n’aurais jamais pu mener cette carrière artistique si elles n’avaient pas été là avant moi. Mais cela ne veut pas dire que je ne cherche pas à développer ma propre personnalité. Je veux créer mon identité en tant que trompettiste et élargir mon répertoire autant que possible ! »
Et, comme ce fut le cas pour ses idoles, Matilda Lloyd tient ses promesses quant à son désir d’élargir l’horizon des trompettistes solistes. « Le répertoire solo pour la trompette est encore limité par rapport à des instruments comme le piano, le violon ou le violoncelle. Le fossé est énorme, et je pense que nous devons être plus créatifs. Je prête toujours une oreille attentive à de nouvelles œuvres. »
Nous pouvons en effet la prendre au mot. Comme en témoignent notamment ses performances passionnantes et envoûtantes de la « Toccata et fugue en ré mineur » de Bach, Matilda Lloyd possède la capacité d’apporter un souffle nouveau à une musique si profondément ancrée dans le firmament culturel.
Aujourd’hui, en participant à des ateliers scolaires, Matilda sert déjà d’inspiration à la prochaine génération de jeunes musiciennes. « J‘ai à mon actif un certain nombre de bonnes et de mauvaises expériences que je peux partager et qui pourraient être utiles à d’autres personnes. Il n’y a rien de plus gratifiant que de pouvoir aider une élève en lui donnant des conseils. De même, il est important de sensibiliser les étudiantes à la présence de femmes au sein des pupitres de cuivres, afin que les jeunes filles s’habituent à voir des femmes jouer de la trompette et puissent se dire qu’elles en sont aussi capables. Je pense que ces deux aspects éducatifs sont particulièrement enrichissants. »
« Je pense que la chose la plus importante, pour quiconque apprend à jouer d’un instrument, est de prendre du plaisir, de trouver vraiment ce qu’il aime et de ne pas se sentir obligé de rentrer dans une case précise. En ce qui me concerne, on m’a justement suggéré de rentrer dans ce type de case, celle d’un pupitre de cuivres d’un orchestre, et j’ai donc dû écarter cette idée en réaffirmant mon ambition : « Non, je veux être soliste. » Chaque personne doit goûter un peu à tout avant de trouver sa voie. Sur ce plan, j’ai eu beaucoup de chance. J’ai eu l’occasion de tenter diverses expériences : jouer dans un Big Band de jazz, dans une fanfare, puis dans un grand orchestre de musique classique. Essayez d’avoir accès à ces différentes expériences afin de trouver ce qui vous correspond le mieux et ce qui vous plaît le plus. Au bout du compte, si vous faites quelque chose que vous n’aimez pas, cela ne durera jamais longtemps et vous n’en retirerez aucune satisfaction. Le plus important, c’est donc de vous amuser dans votre parcours musical et de prendre du plaisir dans la pratique de votre instrument ! »
Source :
JOURNÉE INTERNATIONALE DES FEMMES : MATILDA LLOYD // Yamaha & JULIAN MARSZALEK