Le Septuor de Saint-Saëns, un billet d’humour devenu un chef d’œuvre

Œuvre originale pour quintette à cordes, trompette et piano, ce septuor écrit par Saint-Saëns est né de la volonté d’un polytechnicien Emile Lemoine, ami du compositeur. Une histoire originale à partager.

Il y a quelques jours, nous sortions un article sur Alexandre Petit dont une nouvelle partition était éditée par Jean-Louis Couturier. Dans cet article, nous avions écrit que le Septuor de Saint-Saëns avait été écrit pour le jeu d’Alexandre Petit. SI Alexandre Petit a bien joué le Septuor a de nombreuses reprises, notre affirmation manquait de précisions que nous avons souhaité vous partager.

-> Nouveauté partitions : Fête Militaire d’Alexandre Petit.

Cette œuvre a en fait été écrite à la demande d’un polytechnicien fort célèbre, Émile Lemoine, qui jouait du violon et avait créé un ensemble qui se produisait les samedis soir dans le quartier latin autour de la butte Sainte Geneviève, jouant en quatuor et quintette à cordes. Certains polytechniciens n’aimaient pas entendre cet ensemble répéter au sein de l’école et disaient souvent : « les voilà qui trompettent encore ! ».

Ce polytechnicien-violoniste avait de l’entregent et connaissait très bien Saint-Saëns. Un jour, il lui demanda à titre de provocation humoristique et de clin d’œil pour les autres polytechniciens d’écrire une petite pièce pour un ensemble hétéroclite de sept musiciens comprenant une trompette au milieu des cordes et d’un piano. Saint-Saëns n’avait pas pris cette demande au sérieux étant donné l’objectif de provocation avec  l’instrumentation étrange. Ce n’est qu’avec insistance qu’il finit par s’exécuter, par amitié, et gardant à l’esprit le côté humoristique de la finalité. C’est Saint-Saëns qui demanda à Xavier Teste de jouer la partie de trompette, Saint-Saëns lui-même tenant  la partie de piano, toujours par amitié.

-> Relire “Pourquoi utilisons-nous la trompette en Ut dans l’orchestre ?” – une brève histoire de Xavier Teste

Le polytechnicien-violoniste pris pour habitude de donner ce septuor au moins une fois l’an, toujours avec Teste et Saint-Saëns. Après la mort de Teste, Saint-Saëns demanda à son successeur de jouer la partie de trompette: c’était Alexandre Petit. Saint-Saëns avait un sens de la dérision et de l’humour, c’est pour cela qu’il finit par composer ce septuor et tenir la partie de piano.

Émile Lemoine (X1861) Franck, Saint-Saëns et le septuor de Vinteuil

« Voici l’historique de ce morceau. Depuis [de] longues années, je tracassais mon ami Saint-Saëns en lui demandant de me composer, pour nos soirées de la Trompette, une œuvre sérieuse où il y ait une trompette mêlée aux instruments à cordes et au piano que nous avions habituellement ; il me plaisanta d’abord sur cette combinaison bizarre d’instruments, me répondant qu’il ferait un morceau pour guitare et treize trombones, etc. En 1879, il me remit (le 29 décembre) sans doute pour mes étrennes, un morceau pour trompette, piano, quatuor et contrebasse intitulé Préambule et je le fis jouer le 6 janvier 1880 à notre première soirée. L’essai plut sans doute à Saint-Saëns, car il me dit en sortant : « Tu auras ton morceau complet. Le Préambule en sera le premier mouvement. » 

Il a tenu parole et le septuor complet (dont je donne le manuscrit autographe à la bibliothèque du Conservatoire) a été joué pour la première fois le 28 décembre 1880 (début de nos soirées de la saison). Les artistes étaient M. Teste (trompette), l’auteur (piano) ; le quatuor MM. Marrick, Rémy, Van Warfelghem et Debart, doublé d’un second quatuor MM. Mendel, Anstruy, Wolff et Megyesz, contrebasse M. Dereul. Le septuor peut évidemment se jouer avec un seul instrument pour chaque partie de cordes, mais il fait (de l’avis de l’auteur) meilleur effet si le quatuor est doublé. Il est très beau avec l’orchestre, je l’ai entendu ainsi aux concerts Colonne.

Paris, le 2 avril 1894
É. Lemoine »

Sur IMSLP, le manuscrit de ce septuor est disponible gracieusement et  la page de titre donne quelques explications. Le nom original était « suite » qui a été changé en « septuor »

Le carnaval des animaux a un peu près la même histoire: c’est pour faire plaisir à un ami et de façon humoristique qu’il écrivit le carnaval des animaux. Cette œuvre n’a été donnée qu’une seule fois chez cet ami. Saint-Saëns a toujours refusé de considérer son carnaval des animaux comme une œuvre musicale, et interdisait qu’on la joue en concert. Cependant,  il accepta seulement que le cygne soit joué.
Ce n’est que bien après  sa mort que le carnaval des animaux à été donné en concert et le succès ne s’est jamais démenti depuis.

Saint-Saëns était un grand homme par son auto dérision, sa culture (par ses nombreux voyages de par le monde), même, si à la fin de sa vie, il ne comprenait pas du tout ce que Debussy et Ravel composaient : il était un homme du siècle précédent. Ses prises de position virulentes contre Debussy et Ravel ont précipité son « exclusion » du monde musicale du XXème siècle et ses œuvres ne furent plus beaucoup jouées.

Trompette Actus

GRATUIT
VOIR