Le 8 mars, le site msn.com partageait un article au titre racoleur “Voici le son que produisait une trompette de guerre celtique pour effrayer les soldats romains“. Si le journaliste mettait en avant une vidéo du musée national d’Ecosse, nous avons voulu en savoir plus.
Aymeric RAMANAKASINA, journaliste a partagé un article le 8 mars dernier sur le Carnyx. Ce lointain ancêtre de la trompette qui aurait existé entre -80 à 200 après JC livre progressivement ses secrets mais de nombreuses interprétations sont à nuancer. Le journaliste partage avec cet article une vidéo du musée national d’Ecosse dans laquelle John Kenny présente le Carnyx.
Ce musicien s’est intéressé rapidement à cet instrument, sans avoir la prétention de reproduire un son d’époque. En tant que membre de l’EMAP ( Projet d’archéologie musicale européenne ) John Kenny a contribué notamment à concrétiser la reconstruction du magnifique Carnyx de Tintignac. À partir de l’automne 2014, il donnera des concerts et des conférences dans toute l’Europe. Le site du NMS présente les grandes étapes de la découverte puis de la restauration du Carnyx.
Au-delà d’une revendication historique, le musicien John Kenny a adapté le Carnyx aux modes de jeux et esthétiques actuelles de la musique comme dans sa composition baptisée “The Voice of the Carnyx”. Le musicien la présente d’ailleurs comme “la première pièce composée pour le Carnyx“.
“L‘instrument montré dans la première vidéo n’a pas vraiment un pavillon de carnyx, en fait ce qui est reproduit ici est une erreur organologique.” nous explique Guy Estimbre, musicien et conservateur de la collection d’instruments historiques du MIC MAC, fondateur de l’ensemble Nulla Dies Sine Musica. “Il s’agirait sans doute d’une enseigne que l’on a pris pour un pavillon de carnyx. En fait pendant très longtemps on avait pu qu’imaginer ce à quoi ressemblait un carnyx. Il faudra attendre 2004 et la découverte d’un carnyx complet dans les arènes de Tintignac pour avoir une idée précise de ce qu’était réellement un carnyx (voir plus loin dans l’article). Il mesure 1m80 de haut et à ce jour il est le seul instrument retrouvé qui soit réellement complet.”
En effet, en 2004, sur le site archéologique gallo-romain de Tintignac, sur la commune de Naves, en Corrèze, est découvert un ensemble de pièces extraordinaires. Parmi elles, des Carnyx. L’une d’entre elles a fait l’objet d’une complète restauration, et demeure une pièce unique au monde. En 2018, le Conseil départemental commande une copie à M. Jean Boisserie, dinandier d’art à Cublac. La reconstruction se base sur les recherches d’une équipe de scientifiques français, dirigée par l’archéologue Christophe Maniquet.
“Concernant l’aspect musical de l’instrument” continue Guy Estimbre “les seuls témoignages sur lesquels on peut s’appuyer c’est les quelques bribes laissées par des auteurs latins qui qualifient le son des carnyx de “horrible”, “rauque” voire qui “imite le grognement des animaux sauvages”. L’instrument avait en effet pour vocation de distiller la peur dans le cœur des ennemis d’inspirer la frayeur…“
Fort de ces explications, il apparaît qu’on “est donc assez loin de la mélodie proposée par l’interprète sur la vidéo… Bien sûr les musiciens s’en sont emparés et ils se sont fortement éloignés de la pratique originelle de l’instrument” comme nous l’explique le musicien. Lui-même s’est penché sur le son de cet instrument l’an dernier.
Et concernant son interprétation, Guy Estimbre continue “C’est une vieille vidéo de son de carnyx. Si je devais le réenregistrer aujourd’hui je ferai sans doute quelque chose de beaucoup plus agressif“.
Une histoire passionnante qui n’a donc pas fini de nous faire parler d’elle, pour le plus grands plaisirs des historiens, mélomanes et trompettistes en quête d’histoire de leur instrument.
Retrouvez l’histoire de la famille des cuivres dans cette vidéo réalisée par Nulla Dies Sine Musica.